Régler votre litige transfrontalier grâce à la médiation
L’ouverture du marché au sein de l’Union européenne et la libre circulation des biens et services ont fortement influencé nos modes de consommation, en amenant de nombreux avantages mais aussi quelques difficultés dans certains cas. Par exemple, un consommateur résident d’un pays situé au sein de l’Union européenne connaît un litige sur un produit acheté auprès d’une entreprise basée dans un autre Etat membre. Que faire si l’on veut éviter de la case tribunal ?
La médiation, en tant que mode alternatif de règlement des litiges, ne cesse de gagner en popularité en France, et au delà des frontières, au sein de l'Union européenne. Réputée par son efficacité, sa rapidité et ses faibles coûts de procédure, les acteurs du droit la chérissent de plus en plus. Depuis 2008, elle est pratiquée pour des litiges entre deux ou plusieurs parties domiciliées dans différents Etats. C’est ce que l’on appelle la médiation transfrontalière.
Qu’est ce que la médiation transfrontalière ? Comment s’organise-t-elle ? Réponses dans cet article.
1- Une médiation transfrontalière, c’est quoi ?
On entend par médiation transfrontalière, une tentative amiable de résolution d’un litige, au delà des frontières et qui concerne deux parties résidant dans des pays différents membres de l’Union européenne. Par exemple Mr X achète 200 kilos de patates chez un nouveau grossiste basé dans le sud de la France pour sa fameuse friterie party entre amis à Bruxelles, sa ville de résidence en Belgique. Cependant le grossiste de fruits et légumes ne lui livre pas la bonne de catégorie de patates et refuse de lui livrer de nouvelles cargaisons adaptées à sa commande.
La médiation transfrontalière est régie par la Directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale. Celle-ci concerne donc, en toute logique, un “litige transfrontalier” décrit dans son article 2 comme :
“tout litige dans lequel une des parties au moins est domiciliée ou a sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de toute autre partie à la date à laquelle:
a) les parties conviennent de recourir à la médiation après la naissance du litige;
b) la médiation est ordonnée par une juridiction;
c) une obligation de recourir à la médiation prend naissance en vertu du droit national; ou
d) les parties sont invitées à recourir à la médiation aux fins de l’article 5” (invitation par une juridiction à faire une médiation).”
La directive vise à encourager le recours à la médiation comme une solution extrajudiciaire économique et rapide, et elle s’applique à tous les pays membres de l’UE, à l’exception du Danemark. Étant relativement courte pour une directive européenne, elle établit les règles générales de la médiation en ce qui concerne les litiges transfrontaliers. Cette directive vient ainsi harmoniser les règles de médiation en vigueur dans les pays membres de l’Union européenne.
2- Quelles sont les règles à retenir ?
Tout d’abord il faut savoir qu’il existe très peu de différence entre les règles et les principes généraux de la médiation transfrontalière et la médiation française. En effet la particularité de la médiation européenne réside non pas dans ses principes mais plutôt dans les modes de mise en oeuvre exposés après dans cet article.
Seuls les litiges en matière civile et commerciale peuvent faire l’objet d’une médiation transfrontalière (art.1). Elle ne peut être utilisée pour des régler des litiges dans en matières fiscale, douanière ou administrative, ni pour engager la responsabilité de l’État pour des actes ou des omissions commis dans l’exercice de la puissance publique («acta jure imperii»).
Un citoyen européen peut recourir à la médiation transfrontalière pour un litige rencontré avec une partie, entreprise, située dans tout autre Etat membre de l’Union européenne, à l’exception du Danemark (art.1).
La médiation transfrontalière se doit d’être confidentielle ! Toutes les parties prenantes à la médiation sont tenues de maintenir une confidentialité absolue. Ils doivent veiller à ce que les parties ne soient pas “tenus de produire, dans une procédure judiciaire civile ou commerciale ou lors d’un arbitrage, des preuves concernant les informations résultant d’un processus de médiation ou en relation” (art.7 et voir exceptions citées).
La volonté des parties de remédier à une médiation transfrontalière est également une condition indispensable ! L’article 3 précise en effet cette médiation comprend : “deux ou plusieurs parties à un litige tentent par elles-mêmes, volontairement, de parvenir à un accord sur la résolution de leur litige avec l’aide d’un médiateur. Ce processus peut être engagé par les parties, suggéré ou ordonné par une juridiction ou prescrit par le droit d’un État membre.”
Le médiateur, quant à lui, est désigné comme “tout tiers sollicité pour mener une médiation avec efficacité, impartialité et compétence”. L'indépendance, impartialité, réactivité et professionnalisme sont des critères clés pour un médiateur et assurer une médiation efficace.
Dans notre exemple ici, Mr X belge pourra donc recourir à une médiation transfrontalière pour régler son litige avec le grossiste de patates français, si les deux parties y consentent. Une fois leur accord réuni pour lancer cette médiation, quelles seront alors les prochaines étapes ?
3 - Comment se déroule une médiation transfrontalière concrètement ?
Il n’existe ici pas de règles au sein de l’Union européenne régissant le fonctionnement d’une médiation transfrontalière. La directive européenne laisse une entière liberté sur l’organisation de la médiation.
Cependant, à la différence des médiations “nationales”, les médiations transfrontalières nécessitent la présence de deux médiateurs respectivement nommés dans chacun des pays visés par la médiation.
Les médiations se déroulent donc généralement en fonction d’un calendrier établi selon les disponibilités des parties.
Si un accord est trouvé, il sera signé par les deux parties qui s’engagent à le respecter.
Cet accord peut ensuite être appliqué dans son pays. En effet l’article 6 de la directive explique que : “les États membres veillent à ce que les parties, ou l’une d’entre elles avec le consentement exprès des autres, puissent demander que le contenu d’un accord écrit issu d’une médiation soit rendu exécutoire. Le contenu d’un tel accord est rendu exécutoire, sauf si, en l’espèce, soit ce contenu est contraire au droit de l’État membre dans lequel la demande est formulée, soit le droit de cet État membre ne prévoit pas la possibilité de le rendre exécutoire.”
L’article 8 de la directive rappelle que les parties choisissant de recourir à une médiation pour régler leur litige transfrontalier ne sont “pas empêchées par la suite d’entamer une procédure judiciaire ou une procédure d’arbitrage concernant ce litige du fait de l’expiration des délais de prescription pendant le processus de médiation.” Cette disposition a son importance afin de bien clarifier les droits des parties de pouvoir poursuivre une action en justice si la médiation viendrait à échouer.
Dans le cas de Mr X et son conflit de livraison de patates françaises, Mr X et le grossiste du Sud de la France pourront ainsi recourir chacun à un médiateur de leur choix dans leur pays. Les deux médiateurs pourront ainsi prendre contact pour fixer un calendrier et les termes de cette médiation transfrontalière.
Ce type de médiation pourrait aussi être envisagé pour un collectif de consommateurs qui rencontre un même problème avec une partie (ex: entreprise) située dans un autre pays de l’Union européenne et qui souhaiterait résoudre ce litige à l’amiable sans passer par la case tribunal.